Dans la littérature philosophique de l’Inde ancienne, l’étymologie du terme Ama dépeint un fruit « non-mûr ». Nous entrevoyons déjà l’effet indésirable que peut apporter Ama lorsque nous le rapportons à l’univers de la santé en Ayurvéda.
Ama y est décrit comme une matière épaisse et visqueuse se tapissant sur les parois intestinales et empêchant l’assimilation des nutriments. Cette matière finit par se répandre dans l’organisme, affectant lentement les organes et leurs fonctions.
En physiologie moderne, il est reconnu qu’au cours de la digestion des aliments, certaines parties des nutriments ne sont pas correctement assimilées et deviennent des matières inertes dites exogènes. Puis par oxydation, ces matières deviennent antigènes, c’est-à-dire nocives à l’organisme.
Les signes d’Ama dans l’organisme :
L'accumulation d'Ama a des conséquences importantes sur la santé. Il se développe principalement dans le tractus digestif ainsi les perturbations intestinales récurrentes sont les premiers signes de sa présence. Ensuite, des troubles plus conséquents apparaissent : la fatigue, une mauvaise haleine, des problèmes cutanés, des courbatures…
Puis le niveau de perturbations dans les différents organes conduit à des troubles du sommeil, des troubles hormonaux, une prise de poids ou encore à l’affaiblissement de l’immunité. La multiplication de mauvaises conditions contribue à l’apparition de maladies chroniques jusqu’aux plus graves.
Un lien incontournable entre Agni et Ama
Un autre concept en Ayurvéda à considérer est Agni, le Feu Digestif. Agni représente les processus mécaniques, enzymatiques et métaboliques du système gastro-intestinal permettant le conditionnement des aliments ingérés en nutriments assimilables.
Lorsqu’Agni est en pleine capacité, la transformation du bol alimentaire se fait correctement puis le travail émonctoire intestinal se met en place normalement, ainsi la formation d’Ama est quasi inexistante. A contrario, toute perturbation digestive provoque des stagnations, irritations, macérations favorisant la formation d’Ama.
Cette compréhension d'Agni et Ama est essentielle en Ayurvéda, car elle met en lumière l'importance d’une digestion saine pour prévenir de l'accumulation de cette substance néfaste qui est le ferment de la plupart des maladies.
L’adage ayurvédique rappelle que : « Tout remède ou traitement peut éradiquer la maladie s’il est appliqué dans un état nirama (sans ama) ».
Comment éviter l' Ama ?
- Ne pas consommer de la nourriture sans avoir faim : la sensation de faim se présentant dans l’estomac est le signal que tout le système digestif est opérationnel pour gérer un nouveau bol alimentaire.
- Ne pas chauffer le miel à plus de 40 °C : au-delà de cette température, sa structure moléculaire change et devient matière impropre à la digestion.
- Eviter le mélange de ghee et de miel : ces deux ingrédients sont très vertueux en ayurvéda, mais mélangés à proportions égales leur association est difficile pour la digestion.
- Ne pas consommer une nourriture aggravant la Vikriti (déséquilibre du moment).
- Ne pas mélanger deux aliments aux caractéristiques opposées, comme chaud et froid ou le cru et le cuit.
- Eviter les fruits exotiques ou autres aliments que le système digestif ne connaît pas : cela peut être source de mauvaise digestion.
- Ne pas rompre la succession séquentielle de la digestion par une succession d’ingestion de nourriture (grignotage).
- Ne pas réchauffer les aliments : chaque mise en température et refroidissement modifient la chimie des aliments, les nitrates présents dans certains aliments deviennent alors des nitrites nocifs à l’organisme.
- Les aliments ayant besoin d’être cuits pour être digérés par notre organisme doivent l’être correctement comme les céréales, les pommes de terre…
- Renforcer les capacités digestives, Agni (voir l'article sur Agni, le feu digestif).
Ama vient aussi à la suite de stress au niveau viscéral. La méditation, la respiration consciente (pranayama), le yoga ou autres pratiques quotidiennes jouent un rôle précieux.
Comment éliminer Ama ?
Lorsqu'Ama est déjà présent, la réactivation en force d'Agni est nécessaire. Cela se fait par des changements alimentaires, l'utilisation de plantes détoxifiantes et d'autres pratiques ayurvédiques visant à restaurer la force de l'Agni.
La force du gingembre : fraîchement râpé ou en poudre, le gingembre a des propriétés digestives exceptionnelles et se retrouve quasi systématiquement dans les repas ayurvédiques. Décoction ou infusion de gingembre stimule Agni et aide à éliminer Ama.
Les plantes ayurvédiques : une multitude de plantes détoxifiantes sont nommées en Ayurvéda.
Le Triphala, une combinaison de trois fruits est un détoxifiant de base ayant une large palette d’actions sur l’ensemble du système digestif. Mais il existe aussi d'autres plantes comme le neem, le guggullu, le musta, le guduchi, l’aloès véra, la gentiane…
Pour chaque degré d’accumulation d’Ama ou organe affecté par celui-ci, il existe une composition de plantes. Le bon choix tient compte de la constitution de la personne (Prakriti), du déséquilibre momentané (Vikriti) et de la situation d’Ama.
Au changement de saison : pour faciliter la transition de saison, il faut mettre en place quelques journées « détox » par une alimentation et une hygiène de vie équilibrées. Ceci est particulièrement approprié au printemps pour aider l’organisme à se délester des accumulations naturelles de l’hiver. Par réaction au froid, le corps produit plus de tissus adipeux, mais dans lequel Ama s'insère aussi. Le mouvement spontané de l'organisme arrivé au printemps est de s'en libérer.
Le Panchakarma : le Panchakarma est le summum de la détoxification. Il se déroule sur plusieurs jours durant lesquels un programme de soins corporels, diète et repos s’organise en fonction des besoins. Les massages aux huiles herbalisées et autres soins préparent l’organisme aux éliminations d’Ama, puis à la restauration et régénération des dhatus (tissus corporels).
Avec l’Ayurvéda, la détox n’est pas envisagée comme une privation, mais plutôt comme un moment de régénération.